Escalade9 : Salut Antoine, peux tu te présenter en quelques mots ?
Antoine : Je m’appelle Antoine Kauffmann, mais tout le monde m’appel Tonio. J’ai 27 ans (1993). Je suis actuellement en deuxième master en éducation physique dans le but de me professionnaliser en tant qu’entraîneur en escalade et préparation physique.
Je suis principalement un grimpeur de Lead mais je me suis découvert une passion pour le bloc récemment, j’essaye donc de combiner ces deux disciplines en mettant la seconde au service de la première.
Escalade9 : Où et quand as-tu commencé à grimper ?
Antoine : J’ai commencé à grimper dans une petite salle de ma région à « Altitude CCM » à l’age de 12/13 ans. Au départ très craintif vis-à-vis de la hauteur, je me suis vite découvert une passion pour ce sport et j’ai commencé à m’entraîner sérieusement, dans le but de progresser, vers l’âge de 16 ans.
Escalade9 : Tu es belge, et vient comme on dit en France du « Plat pays ». Vu de chez nous, même si beaucoup connaissent Freyr, il n'y a pas forcément beaucoup de falaises chez toi. Es-tu d'accord avec cela ? Est ce pour cela que j'ai l'impression que tu passes pas mal de temps en Espagne pour grimper ?
Antoine : En effet nous avons peu de falaises aussi remarquables qu’a l’étranger et celles qui méritent clairement le détour ne me correspondent pas vraiment. J’ai une véritable passion pour les gros dévers et les voies longues et physiques ce que je ne peux pas retrouver près de chez moi.
La plupart des voies y sont verticales ou en léger dévers et très à doigt, ou alors sont très courtes pour ne pas dire que ce sont « des blocs encordés ». Cela n’en reste pas moins des voies et secteurs vraiment dignes d’intérêt mais en effet ça ne n’est pas mon truc. Je préfère donc l’Espagne mais pas seulement, je suis fort intéressé par des dizaines de sites qu’ils soient en France, Suisse ou ailleurs. J’ai juste besoin de temps.
Antoine Kauffmann dans "Iron Man"
Escalade9 : Et pourtant, on peut trouver en Belgique de nombreux grimpeurs et grimpeuses très fort(e)s. Quelle est ton explication ?
Antoine : Je pense que la Belgique, par sa petite taille, concentre énormément de bons grimpeurs au même endroit ce qui les tire tous vers le haut, du moins sur le plan physique, car il est important de noter que les structures et ouvertures sont très axées « old school » et poussent au progrès physique plutôt que technique et stratégique… un début d’explication à la force de certains grimpeurs qui ont pourtant du mal à concrétiser en compétition ?
Escalade9 : En 2015, tu as réussi ton 1er 9a à Santa Linya. Il s'agit de « La Fabela Pa La Enmienda ». Peux tu nous parler de cette voie et nous décrire ce que tu as ressenti en clippant le relais ?
Antoine : C’est mon premier gros projet, la première voie qui m’as obligé à revenir à une falaise et surtout ma première obsession en grimpe.
C’est une voie extrêmement longue d’environs 120 mouvements, elle commence par une section en 8a mais vite le niveau s’intensifie pour faire monter la cote à 8c (Fabelita) puis 8c+ en bifurquant dans Fabela. Au relais du 8c+, le combat mental commence car il reste une petite vingtaine de mètres de 8b environ. Il s’agit d’une voie presque exclusivement axée rési et donc avec une forme de « retour sur investissement » certain : plus tu la travailles, plus tu t’approches de l’enchaînement. J’adore cela. C’est la première fois que je me suis senti si impliqué par une voie et depuis j’ai cherché à retrouver cette sensation et motivation.
Escalade9 : Et il y a peu, tu as franchi un nouveau palier avec « No Pain, no Gain ». J'imagine qu'il s'agit là d'une très grande satisfaction ?
Antoine : Absolument ! Je ne me suis jamais autant impliqué pour enchaîner une voie et force est de constater que plus le travail est grand, plus la victoire se savoure. C’est assurément mon meilleur souvenir, la voie qui m’a le plus appris sur moi-même et ma grimpe et, contrairement à Fabela pa la Enmienda, c’est la première fois que je ressens une émotion aussi intense en enchaînant une voie, une émotion que je ne pensais même pas possible et que je souhaite retrouver plus que tout dans un futur projet.
Antoine Kauffmann dans "La Fabela"
Escalade9 : Tu fait donc du 9a+ en voie, du 8B en bloc... Quelle sera la prochaine étape ? As tu un projet en tête ?
Antoine : J’aimerais passer un vrai cap en bloc en enchaînant 8C bloc, cela me permettrait de me sentir prêt mentalement à rêver plus loin. En effet je rêve de faire 9b et cela depuis que je fais du 7a mais celui qui m’attire le plus actuellement c’est « Move ». Je sais que j’ai besoin de progresser pour espérer un jour enchaîner ce monstre et ça va passer par des projets intermédiaire en bloc. La rési, elle, suivra.
Escalade9 : Et en dehors de ce projet, y-a-t-il une voie qui te fait rêver?
Antoine : Autre que « Move » les voies qui m’attirent le plus sont : « Jumbo Love », «Coup de Grâce », « Action Directe » et « Chilam Balam ».
Escalade9 : Et la plus belle que tu aies faite ?
Antoine : Je crois que la voie qui m’a le plus plu c’est « El Hijo Libre » un 8c à Rodellar dans un énorme toit avec une horloge quasi obligatoire, pieds vers l’avant. De la super escalade en toit. Même je suis conscient que ce que les gens attendent d’une belle voie c’est souvent la qualité du rocher, pour moi c’est plutôt la gestuelle qui m’a marqué.
Escalade9 : J'imagine que certaines voies ont du te résister... Peux tu nous parler d'un bel échec?
Antoine : Je me suis cassé une poulie dans « open your mind » à Santa Linya, un bel échec que je n’oublierai pas…
Pas de revanche prévue pour le moment.
Escalade9 : J'ai l'impression que tu t'imposes une grosse charge de travail à l'entraînement... Peux tu nous en dire plus ?
Antoine : J’ai beaucoup de plaisir à m’entraîner. Pas autant qu’a grimper en falaise, mais comme expliqué juste avant, en Belgique j’ai peu l’occasion de profiter autant que je le souhaite du rocher. Je mets donc un maximum de mon temps libre à profit pour optimiser au mieux mes trips falaise.
De plus, comme je suis entraîneur et étudiant en éducation physique, je suis un peu mon propre cobaye, je teste sur moi-même les exercices que je pense proposer aux athlètes afin de me faire une opinion sur leur efficacité.
Escalade9 : Et la Compète ?
Antoine : J’ai participé au circuit en 2015 et 2016 mais les blessures et un mental plus adapté à la falaise m’en a détourné petit à petit. J’ai mis du temps à faire mon deuil car je suis vraiment entêté et rien ne m’obstine plus que quelqu’un qui me dit « tu n’y arriveras pas ». Maintenant cela ne me gêne plus. J’aime infiniment plus la falaise et suis plus en phase avec moi-même tout en retrouvant ce sentiment de dépassement et d’obsession que j’aime tant.
Antoine Kauffmann dans "No Pain No Gain"
Escalade9 : Fin 2000, il y avait moins de 20 voies en 9 dans le monde. Fin 2010, on en trouvait plus de 250, et il en existait plus du double 5 années plus tard. Comment expliques-tu cette évolution?
Antoine : Je crois que ce progrès fulgurant s’explique en 2 volets :
La communauté de grimpeur est en pleine expansion et de plus en plus de pratiquants débutent chaque jour, augmentant ainsi la base de la pyramide et donc le niveau général.
D’autre part, les structures et les méthodes d’entraînement sont de plus en plus adaptées, efficaces et réfléchies, ce qui permet à plus de monde de progresser tant sur le plan physique que technique.
Escalade9 : Quels sont les grimpeurs qui t'inspirent ou que tu voudrais remercier ?
Antoine : Assurément Seb Bouin est le grimpeur qui ouvre et libère le plus de projets qui m’appellent. Mais l’inspiration je pense sincèrement la puiser de la masse de grimpeur qui cherche chaque jours à devenir plus for. Tous ont leur part de mérite, d’inspiration et me vendent le rêve dont j’ai besoin pour progresser.
Escalade9 : Des sponsors à remercier également ?
Antoine : Aucun et depuis toujours, entre fierté et déception ????.
Escalade9 : Autre chose à ajouter ?
Antoine : Merci pour l’intérêt porté à mes efforts : Bien que l’escalade soit un sport individuel et que la démarche de projet a beau être particulièrement égoïste cela n’en reste pas moins un véritable plaisir de partager ses sentiments et pensées avec d’autres passionnés.
Merci pour cette super base de données qui vend du rêve et des projets à tant de monde !
Antoine Kauffmann en pleine compétiton à Paris